L'homme aux mains qui brillent (3)
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Plusieurs fois, ce soir-là, le chef alla inspecter des yeux et de la main les détails d'un grand tapis brodé pendu contre le mur de sa maison. Toujours au même endroit, sa main effleurait les fils précieux mordus de teintes vives. Luagar aurait été médusé devant cet ornement superbe sans même ce comportement étrange du chef... Les tissus étaient des biens précieux. Sa famille à lui en possédait quelques-uns... Mais la plupart de leurs vêtements et couvertures étaient en fourrures.
Guseor, le seul des petit-fils du chef qui aie déjà passé les épreuves de chasseur et soit autorisé à venir adresser la parole à un invité, lui expliqua que sur la partie du tapis que le chef regardait si fort, il était indiqué les dates auxquelles avaient eu lieu deux de ces légendes que content les anciens.
La première de ces légendes parlait d'un chasseur qui avait trouvé, déjà dévorée par les coyotes et les corbeaux, la carcasse d'un ours de bonne taille, et dans cette carcasse, une griffe énorme. Il avait eu toutes les peines du monde à la dégager de la côte où elle s'était plantée, mais il l'avait ramenée. Cela était au temps du grand-père du grand-père du grand-père du chef. Elle avait longtemps été un des biens les plus précieux du clan, mais avait été volée à l'occasion d'une guerre avec le clan de Dans La Rivière. Cela était au temps du père du grand-père du chef. Depuis ce temps, fort de la protection assurée par l'Esprit-Dragon, ce clan maudit ne respectait plus aucun accord et prétendait imposer sa loi partout, ce qui ne pouvait se tolérer.
La deuxième de ces légendes était plus ancienne encore. Elle parlait d'un groupe de chasseurs qui avait découvert, mourant de froid, un tout jeune dragon. Ils avait tenté de le ramener au village, mais il s'était débattu si fort que deux d'entre eux avaient été blessés grièvement. Ils avaient tenté de le réchauffer en allumant un grand feu, mais sans pouvoir le sauver. Comme ils devaient ramener les chasseurs blessés, ils avaient renoncé à en rapporter au village plus grosse relique que quelques dents. Ils avaient, avant de rentrer élevé sur lui un monticule de pierres où le clan avait ensuite dressé un pilier sculpté. Cela s'était passé au temps du père du grand-père du grand-père du grand-père du grand-père du chef. Les dents du petit dragon avaient d'abord été mises en collier, puis le père du grand-père du grand-père du chef les avait fait monter avec des perles de jade et d'ambre pour en faire un diadème.
En lui racontant ces choses, le tout jeune chasseur avait un air de respect et de crainte si marqué qu'il était difficile d'oublier qu'il n'était encore, quelques lunes plus tôt, qu'un enfant. Un adulte digne de ce nom, dans ce village comme dans aucun autre, ne devait pas se laisser impressionner par de vaines choses telles que l'idée d'une légende à naître.
Pourtant, il avait raison. Luagar avait découvert une empreinte de dragon. Et elle était sur leur territoire. A un endroit giboyeux, et que le clan voisin leur disputait, mais qui était bien de leur clan, et cela depuis toujours. Preuve en était que le village des morts de leur clan se trouvait encore un peu plus loin. C'était une chose très importante.
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