Le Cri sur la Toile
Encore un vieux conte sorti du fin fond de mes tiroirs...
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C'est drôle, cette porte que je n'avais jamais remarquée...
Elle est là, bien collée dans son petit encadrement en bois, comme toutes les autres portes, et moi, je ne l'avais jamais remarquée.
Faut-il être bête? Ne pas voir une porte de placard, chez soi, quand on manque de places de rangement! Je suis stupide. Pire encore que stupide. Je ne sais pas ce que je suis. Sûrement, ça n'a pas de nom.
Ce n'est pas un placard.
C'est tout noir... Ou presque, parce que mes yeux commencent à distinguer des petits points un peu partout, qui brillent et qui bougent très vite.
Ce n'est pas comme les étoiles dans le ciel. C'est autre chose.
On dirait une immense toile d'araignée recouverte de rosée, et brillant dans un clair de lune que je ne vois pas.
Sans m'en rendre compte, j'ai fait quelques pas.
C'est beau.
Je ne suis pas toute seule, en plus, à marcher sur la toile. Elle tremble même beaucoup, à cause de ça.
Ce n'est pas grave. Elle colle assez à mes semelles pour me retenir quand je trébuche.
J'ai bien aimé la promenade. Je reviens le lendemain.
Il fait très sombre sur la toile. Je ne vois pas le visage des gens à qui je parle et eux ne me voient pas non plus. Ce n'est rien. Je les écoute. Je sais que certains m'écoutent aussi et que d'autres profitent méchamment de l'obscurité pour jouer de vilains tours.
Ce n'est pas bien grave. Je reviens, malgré la toile qui tremble et les ombres moqueuses qui crient et frappent sans prévenir.
On n'y voit rien, décidément, mais je fais comme les autres: je m'habitue à ne voir personne.
J'ai des amis, sur cette grande toile brillante.
Mais...
Que signifie ce cri déchirant? Pourquoi la toile s'est mise, soudain, à trembler si fort?
Pourquoi la toile s'est-elle faite si lourde en un même endroit?
Et voilà que d'autres cris répondent au premier. L'un d'entre nous est-il tombé? Personne ne sait bien ce qui se passe. Tout le monde a peur.
Quelqu'un manque, paraît-il... Mais comment savoir, dans le noir total?
Et nous sommes là, tous, les pieds englués dans la toile qui nous semble plus collante que jamais... Appelant celui qui a crié ou demandant au voisin s'il l'a trouvé. Et rien d'autre dans le noir, que le scintillement de la toile qui brille plus que jamais...
Petit à petit, la masse s'éclaircit. Sûrement, ils ont repassé les portes du « vrai » monde.
Nous ne sommes plus très nombreux à chercher encore... Et moi, je trébuche de plus en plus et pour finir, je fais comme les autres.
Je passe cette maudite porte dans l'autre sens, en me disant que je la repasserai plus tard, pour reprendre les recherches.
Ce que je fais.
Cette nuit, sur la toile, c'est une araignée qui a chanté.